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Uppercut au cœur

Dernière mise à jour : 17 nov. 2019


"Now you know what you’re fighting for." Rocky, Creed II, Steven Caple Jr, 2018


Salut toi, ça va?


Ça faisait longtemps, non? Longtemps que je n’avais pas publié. Ce n’est pas que je n’ai pas écrit, non. Mais disons, que, ces derniers temps, occupé par des changement de vie assez radicaux, surtout au niveau professionnel, j’ai eu du mal à “lâcher mes coups”. La peur. La peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas viser juste. La peur d’échouer. Lâcher mes coups. Me livrer. Et, inévitablement, me découvrir. Et risquer de prendre un vilain contre. Tu me vois venir, là? Oui, j’ai vu Creed IIdernièrement, et, encore une fois, question de synchronicité ou que sais-je, ce film m’a parlé. De la vie. De ma vie. De moi. De ma situation actuelle. Comme toute la saga Rocky, Creed II n’est pas un film sur la boxe. C’est un film qui utilise un contexte,  la boxe, comme pour parler de la vie. Tu l’as compris, je ne suis pas formé à la critique de cinéma, cet article n’est donc pas une analyse de film, mais plutôt, un partage de mon expérience de spectateur et un témoignage de l’impact de l’objet filmique en question sur ma vie, ici et maintenant. Ce texte est donc totalement subjectif. Puisses-tu y trouver quelque enseignement.


Commençons par le pitch: depuis sa défaite face à Ricky Conlan dans Creed, Adonis (Michael B. Jordan) s’est fait un prénom, il est devenu champion du monde, comme son père. Il est heureux en couple avec Bianca (Tessa Thomson) et sa relation avec son “Tonton” et coach Rocky (Sylvester Stallone) est au beau fixe. Tout va bien. Et, ce qui  « peut arriver de pire à un boxeur”  (Mickey dans Rocky III) commence à pointer le bout de son nez:  l’embourgeoisement guette. Pendant ce temps, en Ukraine, un certain Viktor Drago (Florian Munteanu, mutique et néanmoins excellent) s’entraîne dur sous la férule de son père Ivan (magnétique Dolph Lundgren) pour défier le nouveau champion de la catégorie et redorer l’honneur familial. Bien que le film se positionne comme une suite directe à la fois de Creed et de Rocky IV, le script reprend la structure de Rocky III. On y suit la trajectoire du champion en titre, bien en place, apprécié du public qui est défié par un challenger mort de faim. Évidemment, le champion va très vite être mis à mal, voire mis plus bas que terre par le nouveau venu. La peur va alors le dominer. Peur pour sa santé, son couple, son confort. Il va lui falloir reprendre les rênes de sa vie et surmonter ses peurs pour reprendre les gants, et gagner à nouveau.

Alors que Creed, premier du nom, renouvelait dans le fonds et la forme la saga pour l’inscrire dans les années 2K10 (mouvements de caméra audacieux, BO Hip-Hop haut de gamme), la structure hyper classique de cette suite, critiquée par quelques uns, permet au film de se concentrer sur les personnages et leurs tourments. Adonis est toujours un sale gosse, mais les événements du film vont le propulser dans l’âge adulte de façon brutale – euphémisme- et il n’en est que plus attachant là où il n’était qu’une tête à claques, sympa, certes, mais tête à claque quand même dans le premier film. Il a ici de vrais enjeux, sportifs, personnels, familiaux et il va enfin symboliquement “tuer le père” en affrontant le rejeton de celui qui avait laissé Appolo Creed pour mort sur le ring 30 ans plus tôt. Shakespearien. Michael B Jordan livre un prestation habitée et spectaculaire. Notamment dans une scène, probablement la plus touchante de toute la saga, où il devient réellement père et redevient boxeur dans le même instant. Comment rendre épique une scène se tenant dans un gymnase avec un sac de frappe. Et un couffin. Magnifique scène. Rocky, lui, est plus en retrait dans cet épisode, et c’est très bien. Il a peu d’enjeux mais ceux-ci se dessinent en parallèle avec ceux de son poulain et ne sont pas moins primordiaux pour le personnage. Il va devoir lui aussi trouver le courage de redevenir père et passer définitivement le relais. Encore une fois, c’est une constante depuis 40 ans, le rôle fait écho à la vie de son interprète, qui, accepte enfin de lâcher l’affaire, passer le relais. Ce personnage, est tellement touchant. Et Stallone y a mis tellement de lui, qu’il lui est difficile de le laisser partir. Nous le savons. Mais il doit lui offrir une belle sortie. Même difficulté pour le public, tellement attaché à cette icône de la culture populaire. Ici Stallone laisse les clés à Michel B. Jordan. Littéralement. Il y a une certaine ironie au fait qu’ Adonis se batte lors du premier combat du film plus pour récupérer les clés de la voiture que lui a laissé son père, perdues lors d’un pari dans Creed que pour le titre de champion. Un vrai symbole. « Doni » récupère ses clés, son héritage, et dans le même temps, Stallone confie les clés de la saga à Michael B. Jordan sur une ligne de dialogue toute simple.

"Now, it’s your time kid" Rocky, Creed II, Steven Caple Jr, 2018

Un direct au cœur. Étonnamment, le film parle peu.Ici, peu de grands discours, beaucoup de choses passent dans les regards, les situations. Un homme en pleurs devant un sac de frappe et un couffin (Mais, mais, cette scène!!!). Un père qui jette l’éponge pour préserver son fils. Un coach qui transmet à son élève quelques “trucs” pour gérer  les grands événements de sa vie familiale. Il est beaucoup question de filiation, de passage de relais. Le film embrasse réellement cette direction avec Viktor et Ivan Drago. Tombé en disgrâce suite à sa défaite dans Rocky IV, abandonné par l’Etat et sa femme (Brigitte Nielsen fait un caméo), Ivan place dans son fils tous ses espoirs de refaire surface. Les deux hommes parlent peu. Mais le jeu des regards est tellement intense que l’on comprend toute leur relation en quelques scènes. Alors qu’Adonis va devoir apprendre à se battre pour lui, Viktor, se bat pour son père. Ivan, de son côté, se bat pour l’honneur, mais leur relation va changer au cours du combat final et c’est … bouleversant. Dolph Lundgren a un charisme fou et bouffe toutes les scènes ou il apparaît. Un coup de maître de Stallone au scénario qui montre son amour de tous les personnages de la saga dans cet hommage à son monolithique ennemi de Rocky IV.

Côté action -car on est aussi là pour ça hein? les copains- c’est peut-être le film le plus généreux en morceaux de bravoure au sein d’une sage qui en compte déjà énormément. Je retiens le traditionnel “training montage”. Là encore rien que du classique si ce n’est la brutalité de entrainement. Pour retrouver la force et la rage, bref, « L’oeil du tigre, mec! », Adonis s’entraîne dans un camp reculé au milieu du désert. Et son programme est d’une violence. Entre sparring-partner aux allures de tueurs chicanos tout droit sortis de Breaking Bad, séances de frappe dans des pneus à s’en exploser les jointures, running au bord de l’insolation et j’en passe, c’est probablement le training montage le plus dur de tous. Au passage, qui dit training montage dit musique et, si les compositions de Ludwig Göransson sur le premier Creed, ne m’avaient pas particulièrement bouleversé cette fois ses thèmes me semblent plus présents, notamment celui d’Adonis, mélancolique et épique à la fois. La section dévolue au training montage, Runnin , est particulièrement brillante. Brillante aussi la résurgence des thèmes légendaires de Bill Conti, qui viennent à point nommé dans le climax du film pour achever un spectateur déjà bien secoué par un combat final tout bonnement parfait de bout en bout.

Car le second grand moment est évidemment ce combat final. Encore une fois, contrairement aux artifices de Creed, il est mis en scène de façon très conventionnelle, champ / contre champ / plan large … mais c’est vraiment efficace. Et là, ce qui frappe, dans tous les sens du terme, c’est le sound design. Les coups font mal. Le bruit des impacts est tout bonnement monstrueux (ces coups dans les côtes!!!) et le spectateur est alors totalement immergé et souffre, et c’est important, avec les deux boxeurs. La malice du scénario fait en sorte qu’il est difficile de souhaiter plus la victoire de l’un ou l’autre boxeur. C’est, je crois, une première dans la saga. Il est amusant de constater qu’en tant que suite directe de Rocky IV, film OVNI écrit sous cocaïne, totalement ancré dans son époque avec ses méchants Russes vraiment très méchants et dopés et ses gentils Américains tout propres, soldats de la liberté, Creed II, totalement en empathie avec tous ses personnages en prend le parfait contre-pied thématique. C’est très fort. Et ça passe encore une fois par le jeu des interprètes des Drago père et fils, qui inversent totalement les attentes du spectateur en cours de route.

Voilà, donc, Creed II est un vrai bon film de la saga Rocky. A la fois passage de flambeau, départ pour une autre direction et hommage au classicisme absolu d’une saga cinématographique à la fois protéiforme (chaque film a, dans la forme, ses qualités propres) et en même temps pas avare quand il faut, pour le plaisir du spectateur et parfois un peu par facilité, user et abuser de “recettes” et de passages obligés. Mais c’est toujours tellement bon. Surtout, Creed II a été écrit et réalisé avec le cœur. J’ai ressenti une vraie sincérité dans ce film, et crois moi ou pas, je possède un radar pour ces choses là.

"Round after round, you learn more about yourself. And when I stepped in that ring, it wasn’t all about me." Adonis Creed, Creed II, Steven Caple Jr, 2018

Enfin ce film m’a parlé. Profondément. Un jour ta vie prend un virage inattendu et, tapie dans l’ombre, la peur guette. Prête à prendre le contrôle. Il te faut alors sortir de ta zone de confort, te confronter avec toi même, car ton pire ennemi, au final, c’est toi. Il te faut combattre cette version de toi-même avec qui tu ne voudrais pas traîner. Je connais bien cette personne: paralysée par la peur, confortable dans l’inaction, qui refuse d’avancer. Je la combat tous les jours et je gagne plus que souvent ces derniers temps. Et je n’en suis pas peu fière. Adonis se livre à ce combat et fini par l’emporter, expulsant cette version de lui qui a peur. Et trouvant le courage de livrer un nouveau défi, trouvant la force de se remettre en danger, pas pour prouver quelque chose aux autres, mais pour, enfin s’accomplir en tant qu’homme. Et se battre pour quelque chose de plus grand que lui. Vraiment, est-ce un signe de l’Univers? Je ne saurai le dire mais ce film est tombé à point nommé pour me passer un message:

Se lancer un défi, changer la donne dans sa vie, ça fait peur. J’en causerai peut-être dans un prochain article mais c’est exactement ce que je vis actuellement.

"Il faut accepter qu’il y ait de la casse." Rocky, Rocky Balboa, Sylvester Stallone, 2006

Mais il faut y aller quand même. Pour soi. Pour ceux qui nous entourent et croient en nous. Repartir au combat, round après round. Apprendre sur soi et le monde, petit à petit. “Un coup à la fois. Un round à la fois.” disait Rocky dans le premier Creed. La leçon reste valable. Je vais m’efforcer de l’appliquer, à commencer par monter ces “trois premières marches du ring” qui me semblent être une montagne.

Maintenant, c’est mon tour.


Précedemment publié dans Keep moving forward en décembre 2018

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