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Dans le dur

Dernière mise à jour : 17 nov. 2019


« Nous aimons tous gagner, mais combien aiment s’entraîner ? » Mark Spitz


Salut toi, ça va?


Aujourd’hui on cause CrossFit, dépassement de soi et satisfaction personnelle.

5. Dans le dernier tour du travail du jour, ma sueur inonde mes yeux et chute en grosses gouttes sur le sol.

6. Ma gorge est sèche. Chaque micro-mouvement est un peu plus pénible à chaque fois.

7, 8. « Allez vieux ! Encore ! Débranche ! ». Je ne saurais dire d’où viennent, ni à qui appartiennent les voix qui m’encouragent.

9. Mon champ de vision s’est rétréci à un point où je ne vois que mes mains qui se posent sur le sol et la barre que je devrai franchir quand je me relèverai. Le monde extérieur est devenu flou, lointain, indistinct. Dans ma bulle, mon corps, la barre. Tous mes sens sont concentrés sur la tâche que j’ai à accomplir. Encore quatre « burpees facing the bar ». J’ai le cœur dans la gorge. Mes poumons cherchent à utiliser au mieux le moindre atome d’oxygène. Mes pieds passent de l’autre côté. Je tente maladroitement d’effectuer un demi-tour avant d’atterrir, mais je vais devoir rajouter un petit saut supplémentaire pour me retrouver face à la barre et à bonne distance pour repartir.

10. Pas de coup d’œil au chrono, cela ne sert plus à rien. D’ailleurs, je me suis aperçu que je regarde de moins en moins le chrono lors des entraînements. Je pose mes mains au sol. Je descends la poitrine et projette mes pieds en arrière. J’essaie de ne pas retenir la chute avec mes bras pour économiser de l’énergie. En garder encore un peu pour les dernières répétitions à effectuer. Je m’allonge complètement. «Remonter-immédiatement-remonter- immédiatement-remonter-immédiatement » c’est mon seul leitmotiv à cet instant précis alors que le sol, pourtant inondé de ma sueur m’appelle à rester encore un peu allongé car on y est si bien, comme dans un lit douillet. «Lève-toi! Maintenant!» Il faut pousser sur les bras, puis sur les hanches. Projeter mes pieds au plus près de mes mains. Se redresser. Même dans cet instant, au bout de ma fatigue, au moment où mon corps tout entier me crie «Stooooop!», je m’aperçois que je garde encore assez de lucidité pour penser à tous les petits détails qui me permettront d’être plus efficient. Mais peut-être que j’y pense trop encore. Pas encore des réflexes. Le spectacle, vu de l’extérieur n’est sûrement pas fabuleux, loin de là. Mais nous soignerons l’esthétique plus tard. Ici, maintenant, il est question de survie. C’est un combat de chaque seconde.

Dans le coin bleu, mon corps, 41 ans 86 kg dont 15 de trop qui me hurle : «Mais qu’est-ce ce qu’on fout, bordel ? Parce que je ne sais pas si tu es au courant, mais on va mourir là ! Je fais ce que je peux pour faire baisser la température et apporter suffisamment d’oxygène pour alimenter le moteur, mais je ne vais pas tenir longtemps!» (Si toi-même tu as grandi dans les années 80/90, à cet instant, tu imagines forcément les petits bonhommes d’Il était une fois … la vie en panique totale. C’était l’ instant nostalgie. C’est cadeau).

Dans le coin rouge, mon mental. 41 ans aussi, il n’a pas toujours été des plus constants au fil des ans mais, aujourd’hui, c’est une brique : « Tu ne peux pas t’arrêter là. Hors de question. Encore une répétition. Bouge ! Bouge ! Bouge ! On doit aller au bout. On ira jusqu’au bout! Ça va bien se passer »

« Allez vieux, ne lâche pas ». Est-ce un encouragement extérieur ou une voix dans ma tête? Je ne sais pas. Mes pieds se posent au niveau de mes mains, je me redresse. Et saute par-dessus la barre. Je respire et retombe de l’autre côté.

11. Plus que deux répétitions et c’est fini. Et je replonge mon buste dans le vide, je me sens léger.

«C’est ce corps qui souffre, pas moi.» Alejandro Jodorowsky, El Topo

Le mental a pris le dessus.

12. Une dernière et je pourrais mourir en paix dans mon coin, le sentiment du devoir accompli … dernier burpee … dernier saut au-dessus de la barre. Et … Time ! Le souffle court je tombe à genoux, trempé de sueur. Il fait tellement chaud, mon cœur bat tellement fort. Imperceptible, un sourire se dessine sur mes lèvres. Je me sens tellement vivant. Terrassé, mais vivant. Le monde extérieur se fait un peu plus distinct. Mon champ de vision s’élargit. Le coach note mon temps sur le tableau. Je m’en fous. Je regarderai plus tard. Je m’écroule sur le côté gauche pour me retrouver en position fœtale. J’ai du mal à retrouver mon souffle. Dans mon dos, quelqu’un accompli ses dernières répétitions sous les encouragements. Je suis tellement bien au sol. Le temps, « in a relative way », s’écoule à la fois lentement mais bien trop vite à mon goût. Une main s’approche de mon visage. « Bien joué ». Check. Avec difficulté, je me relève pour féliciter les autres athlètes. Tout le monde s’est donné à fond quel que soit son niveau et sa forme du moment. Bravo. Bien joué. La fatigue se lit dans tous les regards.

Quelques instants plus tard, je suis déjà impatient de m’y remettre demain De retrouver ma box, Oski Crossfit …et je me pose la question de ce qui se passe en moi dans ces moments de dépassement ? Pourquoi c’est si bon de sortir de sa zone de confort ? Pourquoi j’aime ça ? Pourquoi je ne reste pas, comme je l’ai fait ces 15 dernières années, tranquillement dans mon canapé ? C’est quoi le projet?

Ce que j’aime dans le CrossFit c’est que ce sport a des exigences que je n’ai connu dans aucun autre des sports que j’ai pu pratiquer. Je sais que je vais me mettre dans des situations inconfortables, que je vais « me rentrer dedans ». Que les signaux que m’envoie mon corps vont être à deux doigts de faire flancher mon mental mais qu’à chaque fois je vais aller au-delà de ce que je me pensais être capable de faire. Le voilà le projet! Il est là le plaisir. Du moins c’est là que je le trouve. Cette satisfaction d’avoir fait le maximum, encore un peu plus que la dernière fois. Et, comme dans la vie, même quand un objectif est atteint, tant en qualité qu’en quantité, le soleil continue de se lever et dévoile de nouveaux horizons à défricher. De plus j’éprouve un nouveau rapport à mon corps. Longtemps je l’ai dénigré, ignoré et aujourd’hui je le vois comme une fantastique machine. Machine que je me dois de respecter même, et surtout, en la malmenant, en testant ses limites. Une machine étonnante, surprenante d’antifragilité qui se renforce et apprend des traumatismes qu’elle subit entrainement après entrainement, pour peu que la montée en difficulté soit progressive, mesurée, intelligente. Voyons ou cela va nous mener. En attendant continuons d’avancer.


Keep moving forward


Photo: Victor Freitas via unsplah


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